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Mainstream : cette culture qui plait à tout le monde

on Samedi, 27 Août 2011. Posted in JEFF Blog

Mainstream par Frédéric Martel

Note de lecture : Mainstream par Frédéric Martel
Juillet 2011, Flammarion, Champs

Construit comme pourrait l’être une superproduction cinématographique, ce livre monument, fait le tour de la planète média.

Il analyse finement les méthodes marketing utilisées aux Etats-Unis pour produire cette « culture mainstream qui plait à tout le monde » et souligne sa capacité à adapter les contenus produits, avec une créativité indéniable, aux réalités locales.

Sa position dominante est aujourd’hui fragilisée par l’émergence de nouvelles puissances. Un combat feutré se mène entre les principaux pays du continent asiatique, de l’Inde, de l’Amérique latine et même du Moyen Orient pour conquérir des parts de marché sur l’entertainement US, l’industrie créative américaine.


Titanic

L’auteur décortique l’immense mécano industriel qui voit s’affronter les nations et leurs majors pour le contrôle des contenus (cinéma, télévision, musique, livres, Internet) ; l’objectif de ce combat étant d’accroître l’influence de son pays et de ses propres valeurs mais plus largement de contrecarrer l’Amérique qui a aujourd’hui le quasi-monopole des imaginaires mondiaux.


Spider-Man

L’on voit ainsi comment le développement de l’industrie des loisirs chinoise est entravé par la censure ; comment la Corée du sud a réussi à s’imposer en Asie dans le divertissement ; le poids acquis par l’Inde avec Bollywood, sans compter l’émergence des médias arabes. Mais aussi tout ce que ces nations doivent encore faire pour s’imposer, à l’image des telenovelas brésiliennes qui arrivent à percer dans les pays hispaniques, mais sont concurrencées par les productions régionales mexicaines à cause de la barrière de la langue. Toutes ces nations disent vouloir se démarquer des studios américains mais copient allègrement les contenus Disney (protection de la famille, pas de sexe et de violence, des discours lénifiants…).


Boys over Flowers

Il estime (chiffres à l’appui) que loin de menacer les cultures nationales, le mainstream cohabite très bien avec les cultures locales ou alternatives, dans lesquelles elles puisent ses sources d’inspiration et qu’elles financent. C’est au plan international, estime-t-il, que les risques sont plus grands, chaque acteur cherchant, dans ce domaine, à devenir le seul autre intervenant dominant (en pratique, aujourd’hui, l’entertainement US, mais demain…).

Le livre détaille aussi le mode de production du cinéma aux USA. Il est profondément éclaté entre des centaines de milliers de PME, de start-up et d’agences, à la culture hyper professionnalisée, (atomisation compensée par l’existence de syndicats de corporation très puissants) et des studios, véritables centres de décisions, aux moyens colossaux. Ces derniers disposent de tous les services juridiques et comptables nécessaires, contrôlant les droits d’auteurs et surtout les plans com, donnant les feux verts pour les plus gros projets. Serait-ce la préfiguration de la société de demain basculant avec Internet d’une culture de produits à une culture de services, la dématérialisation des contenus et l’économie immatérielle amplifiant et renforçant ces mutations géoéconomiques et technologiques.


Télénovélas

Au final, ce livre ce dévore comme un polar. Magistralement écrit par Frédéric Martel, journaliste, chercheur et professeur à HEC, il file d’un « executive manager » à l’autre, au rythme d'innombrables interviews (1250), rondement menés pendant les cinq ans qu’a duré son enquête. L’auteur vous tient en haleine sans jamais se départir de sa rigueur universitaire. A lire.

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